Entretien avec Laurent Estampe
Découvrez notre entretien avec Laurent Estampes, vice-président de la Fédération Française de rugby en charge des Écoles de Rugby.
Bonjour Laurent, en quelques mots peux-tu nous décrire ton parcours personnel, professionnel et rugby ?
Je travaille dans l’analyse de données. Mon métier m’a amené à Toulouse où j’ai habité pendant une bonne dizaine d’années puis j’ai déménagé dans le Lauragais il y a 15 ans, à 20 km au sud-est de Toulouse, près de Villefranche-de-Lauragais.
J’ai 48 ans, je suis né à Quillan dans l’Aude. J’ai baigné depuis tout petit dans une famille rugby où tout le monde jouait ou était impliqué dans le rugby, les cousins, les oncles, etc… Et tout jeune, tous les dimanches, mon papa nous a menés, mon frère et moi, voir les matchs. J’ai fait un essai vers 7 – 8 ans qui n’a pas été très concluant. Du coup, enfant, je n’ai pas pris la voie du terrain. Pourtant, j’ai continué à suivre et à participer mais derrière la main courante. J’ai fait d’autres sports et à l’âge adulte j’y suis revenu via la vie étudiante, le corporatif, le loisir. Puis, j’ai pris une licence senior au Club de l’Etoile Sp Villenouvelloise, en Haute-Garonne, qui évoluait en série régionale, où j’ai joué pendant 15 ans.
J’ai été bénévole tout en étant joueur puis j’ai été secrétaire général du club pendant 4 ans, président du club pendant 4 ans également, éducateur de l’école de rugby. J’ai participé à toutes les activités du club. J’habite à 8 kilomètres du club dont je suis encore dirigeant.
Pourquoi et comment t’es tu engagé à la FFR ?
Je me suis investi dans le collectif Ovale Ensemble en 2019. Depuis 2023, je suis élu à la Fédération. C’était mon premier mandat électif, qu’il soit local ou national. J’ai plutôt un profil de terrain et de club.
J’ai été colistier en 2020 sur la liste Ovale Ensemble conduite par Florian Grill, en position non éligible. Au sein du collectif, j’ai participé à plusieurs groupes de travail notamment sur les compétitions et le rugby amateur.
En 2023, j’ai fait partie de la liste de 12 personnes, présentée par Ovale Ensemble pour compléter le Comité Directeur de la FFR. J’ai fait partie des 11 élus. En étant au Comité Directeur, j’ai eu une mission auprès de Xabi Etcheverry sur les compétitions, et ça m’a amené à me déplacer dans les ligues, auprès des clubs et des territoires.
Depuis les élections de 2024, je suis Vice-Président en charge des écoles de rugby. J’ai une activité professionnelle salariée à temps plein mais je peux faire coïncider mes deux activités, bénévole et professionnelle grâce aux équipes avec qui je travaille, qui sont facilitatrices. Comme beaucoup de bénévoles je fais deux journées en une.
Je n’avais pas comme volonté initiale d’être élu à la Fédération, c’est la confiance donnée par le groupe et celle de participer à la hauteur des enjeux qui ont porté mon engagement.
Pourquoi les écoles de rugby ?
Les écoles de rugby, c’est en partie un choix collectif. Déjà l’an dernier, avec Sylvain Deroeux, le Secrétaire Général, j’avais participé à des travaux sur le plan de lutte contre les violences et les incivilités qui inclut un volet important sur les écoles de rugby. Ensuite, quand on a fait le bilan avec le collectif avant les élections de 2024, des vice-présidents avaient deux missions, comme Marion Kellin, qui avait la formation et les écoles de rugby.
C’était beaucoup pour une seule personne. J’ai proposé mes services et nous avons collectivement convenu du fait que je puisse prendre en charge les écoles de rugby afin que Marion se concentre sur la formation. Mais c’est aussi une volonté personnelle, parce que c’est un axe majeur de développement qui m’intéresse beaucoup.
C’est un sujet stratégique pour développer le rugby par la base, augmenter le nombre de licenciés et densifier le maillage. Les écoles de rugby sont au cœur du développement. Et c’est quelque chose qui m’intéresse beaucoup.
Nous voulons avoir une vision transverse et des échanges collectifs avec tous les élus qui sont en charge de dossiers qui sont de près ou de loin en relation avec les écoles de rugby. Ce n’est pas un travail en silo, mais un travail transverse. Je travaille avec Sebastien Carrez qui est en charge du rugby scolaire, de la politique éducative, avec Pascale Mercier, qui s’occupe du développement du rugby féminin, notamment les moins de 15 ans, avec Nathalie Janvier qui est Vice-présidente en charge de l’attractivité et la fidélisation des jeunes, on va travailler ensemble du début à la fin des Baby Rugby jusqu’aux moins de 19 ans, et aussi avec Jordan Roux qui coordonne le sujet de la territorialité.
La Commission Nationale des Ecoles de Rugby a été renouvelée avec les élus référents de chacune des 13 ligues, avec les élus et les techniciens de chacune d’entre elles. Cette commission est active et nous avons un séminaire prévu prochainement. Je m’engage aussi à aller voir chacune des ligues dans les 18 prochains mois, pour travailler avec eux.
Tu as dû faire le bilan à ton arrivée, quelle sont ta position, tes objectifs et projets sur le sujet ?
On ne part pas de zéro. Il y a déjà eu un travail énorme qui a été fait par le passé sur les écoles de rugby. La DTN et la direction sportive ont travaillé depuis très longtemps sur les contenus, sur la structuration. Tout ça marche très bien. Nous n’avons pas vocation à tout révolutionner sur la pratique, sur l’encadrement de la pratique, la formation.
Je prends le relai de Marion Kellin qui en un an de vice-présidence, a déjà engagé de nombreux travaux que je vais continuer.
Je vais m’atteler dans un premier temps à consolider ce qui existe, puis améliorer ce qui le nécessite. Pour ça, il y a un gros travail d’analyse et de diagnostic préalable.
Le développement de la pratique est l’axe numéro un de notre programme. Il faut attirer les enfants à l’école de rugby, mais aussi les fidéliser, parce que nous avons un taux de fidélisation qui est encore trop faible. Pour cela, nous devons travailler sur l’encadrement, sur la structuration, sur le maillage du territoire. Nous allons identifier les territoires sur lesquels il faut aller chercher des enfants, soit par le développement des clubs, soit par le développement d’unités qui peuvent être des antennes d’école de rugby.
L’antenne ou l’unité de proximité est un outil approprié dans des cas très précis et porté par des clubs. Si un club existe, est-ce qu’il couvre sa zone de chalandise ? Est-ce qu’il doit développer des antennes ? Est-ce qu’il y a nécessité de le faire ? ou plutôt le faire porter par un club qui doit se structurer, se créer ? Il faut étudier tout ça avec une offre de la Fédération qui soit facilitatrice. Dans la boîte à outils du développement, il faut qu’on ait des éléments mesurés, chiffrés.
Je veux travailler avec les territoires. On ne va pas piloter d’en haut. La volonté est d’offrir aux clubs, aux comités départementaux et aux acteurs
tous les outils nécessaires pour aider au développement. L’objectif n’est pas le nombre d’antennes créées, ça ne voudrait rien dire. L’objectif c’est d’augmenter le nombre de licenciés. Progressivement, on aura moins de rassemblements. Nous avons un gros sujet sur le maillage du territoire avec le scolaire et le développement féminin. Nous avons déjà initié des choses intéressantes avec le Rugby pour Elles, pour les moins de 15, avec un accompagnement financier et le partenariat Adidas pour doter les équipes qui sont inscrites au Challenge Moins de 15 et à Rugby pour Elles.
Il y a un axe de développement important autour des zones rurales. Le Tournoi des Quartiers et des Campagnes, avec le partenariat Total Energie, est un outil extraordinaire. 22 000 enfants ont été touchés l’an dernier. Nous devons mesurer le nombre de ces enfants qui vont se licencier.
Il y a aussi des engagements forts de la gouvernance sur les sujets financiers. Nous devons orienter nos partenaires vers les bonnes actions. Nous sommes en train d’identifier les partenaires qui sont intéressés pour mettre leur marque sur le développement des écoles de rugby. C’est le cas pour le challenge des Moins de 12 mis en entre parenthèses suite à l’arrêt du partenariat avec Orange sur ce sujet. Nous allons essayer de diagnostiquer ce qu’on doit maintenir, créer.…
Je ne peux pas tout dévoiler parce que ce n’est pas définitif, mais nous souhaitons améliorer la vie des clubs, qu’ils puissent bénéficier des kits récompensant la labellisation, non pas six mois après, mais plutôt deux à trois mois.
Il y a aussi le livret du jeune joueur dont tout le monde ne s’est pas emparé. Il faut qu’on identifie ce qui permettrait une meilleure appropriation.
La sécurisation de la pratique est aussi un axe majeur tout comme la feuille de match dématérialisée pour toutes les pratiques. Elle permettra à la fois de faciliter la vie des clubs, mais aussi de sécuriser la pratique avec l’accès au terrain par les licenciés uniquement, l’encadrement, etc. Ce sont des outils qui nous permettront de mesurer le taux de pratique en plateau et améliorer la fidélisation. Nous devons nous appuyer sur le projet FFR 3.0 qui est en action, mais qui n’est pas encore décliné sur toutes ses composantes.
Je suis très favorable à ce qui a été fait sur les calendriers dans l’année avec la pratique du toucher 2 seconde chez les jeunes, puis le jeu à contact. C’est une démarche que tout le monde doit s’approprier. il faut changer les mentalités, mais au fil du temps, on s’aperçoit que ça a du sens.
Doubles licences, mutations à l’école de rugby, ce sont aussi des sujets qu’il faut questionner.
Les classes d’âge et les catégories nous posent question. Il y a des catégories charnières, les Moins de 15 ans pour les filles et les Moins de 14 pour les garçons. Les catégories Cadets Juniors ne sont pas calées sur les années collège et lycée. Nous allons travailler à plusieurs sur ce sujet car on ne peut pas prendre uniquement l’axe Ecole de rugby.
Bien sûr, s’il y a une réflexion autour des catégories, ce n’est pas pour autant qu’en 2025-2026, on va tout changer, Il faut qu’on prenne le temps. La DTN a toujours travaillé sur la durée avec de l’expérimentation et surtout de la mesure pour savoir ce qui est approprié et adapté. Je m’inscris dans la durée aussi, dans le fait qu’on doit partager avec les autres élus, la direction sportive bien entendu, mais aussi les territoires qui sont moteurs pour nous apporter de l’expertise et tous les acteurs associés à la pratique du rugby et au développement dont l’APARE bien entendu.
Autre sujet majeur, les Outre-mer et leurs écoles de rugby qu’il ne faut pas oublier. Je vais les associer systématiquement au projet fédéral. Nous allons nous appuyer sur les outils de la fédération pour accompagner au mieux ces territoires. C’est important pour les écoles de rugby notamment.
Est-ce que l’ambition, c’est de tout développer ou plutôt de prioriser ? Je suis là depuis deux mois et ça fait partie de mon diagnostic, du tour du propriétaire que je suis en train de faire avec les équipes. Je ne vais pas m’engager à faire la première année toutes les réformes que les clubs et les ligues attendent. Nous ne voulons pas arriver et renverser la table. Les projets sont nombreux, ambitieux, et je suis vraiment très heureux qu’on puisse
les porter avec les équipes.
Tu as le Super Challenge dans ton périmètre de responsabilité, que représente t’il pour toi ? Quels sont tes idées et objectifs à ce sujet ?
Le sujet était sur la table le lendemain de l’élection, puisque j’avais déjà des messages sur le Super Challenge avant qu’on me félicite pour notre élection. La première question qu’on m’a posée : « Laurent, est-ce que vous allez supprimer le Super Challenge ? ».
Je n’ai jamais dit que j’allais supprimer le Super Challenge. Par contre, je pense que nous devons avoir une réflexion sur ce qui se passe dans l’écosystème des clubs qui sont impactés par l’organisation du Super Challenge. Ce sujet va forcément être discuté pendant la mandature.
On ne peut pas le regarder uniquement sur le biais « Est-ce que c’est de la compétition ? Est-ce que tout est approprié ? ». Le Super Challenge, c’est un outil qui a été construit avec des associations, avec des clubs et avec une histoire qu’il faut respecter. Ça, j’en suis totalement conscient. Il a été adapté au fil du temps et intégré au calendrier fédéral.
Ça veut dire qu’il y a eu une volonté commune, une synergie entre la fédération et le Super Challenge. Par contre, il y a des sujets autour de la catégorie Moins de 14. L’école de rugby, c’est de l’éducatif. le Super Challenge a parfois vocation à être pris pour une compétition. Ça questionne. Il faut savoir ce qui marche bien dans le Super Challenge, ce qu’il faudrait améliorer aussi.
Est-ce qu’aujourd’hui on peut se poser la question des doubles licences, des rassemblements et des mutations ? Nous ne prendrons pas chacun des sujets
indépendamment, ils sont tous liés.
Nous avons une vision politique globale. Évidemment, nous souhaitons que les rassemblements, progressivement, se restreignent à ceux qui ont du sens, comme pour les doubles licences qui ont été un peu généralisées, libéralisées.
Je sais qu’il y a des avis divergents sur ces sujets clivants, mais aussi structurants. Comme pour tous les sujets École de rugby, je vais travailler avec tous les acteurs concernés, les techniciens, les ligues, les clubs, l’APARE, l’organisation du Super Challenge, en prenant en compte notre vision politique bien entendu, pour avoir l’idée la plus juste possible, le diagnostic le plus précis.
Qu’est ce que tu attends de l’APARE ? Qu’est ce que l’APARE peut t’apporter ?
L’APARE est pour moi un acteur incontournable. Ce que j’attends des acteurs du Rugby, c’est qu’ils donnent de la voix. On sait qu’avec l’APARE il y a une voix commune qui porte la volonté des clubs, des associations support. Nous écoutons toutes les propositions qui nous sont adressées par l’APARE et qui ont sens.
Il faut associer au projet fédéral tous les acteurs de l’écosystème Rugby et l’APARE en fait partie. J’ai déjà eu une expérience positive sur le plan de lutte contre les violences pour lequel on a bien travaillé avec l’APARE.
La marque de fabrique de notre collectif et de nos élus, c’est d’écouter et d’associer.