LES FILLES
Distingué comme un « monde à part » par plusieurs auteurs, le rugby est cependant tributaire de la société dans laquelle il évolue. Les questions relatives à la place de la femme dans son organisation et dans sa pratique doivent donc être appréhendées dans un cadre beaucoup plus large dont le sport n’est qu’une des composantes. En 1912, le baron Pierre de Coubertin, sans doute imprégné de l’histoire antique des jeux olympiques, situait la place de la femme dans le sport de haut niveau par une phrase sans ambiguïté : « l’exaltation de l’athlète mâle, avec l’applaudissement féminin pour récompense ». Dans ce contexte, sport de combat jugé et revendiqué particulièrement viril (mais correct !!!), le rugby paraissait réservé aux hommes, même si ça et là quelques pionnières adoptaient la balle ovale, notamment dans le milieu universitaire. Ces initiatives s’intensifièrent dans les années 60 et aboutirent en 1970 à une première organisation du rugby féminin en France avec l’Association française de Rugby Féminin, préfigurant la Fédération Française de Rugby Féminin (1984) intégrée dans la FFR en 1989.
Une trentaine d’années plus tard le développement de la pratique féminine et l’affirmation de la place de la femme dans le rugby (féminisation des instances dirigeantes, de l’encadrement technique y compris l’arbitrage, et promotion de la pratique avec un accent particulier sur les notions de performance et de haut niveau) sont un des axes majeurs du projet fédéral et des plans d’orientations stratégiques des ligues régionales. Dans le même temps, le plan stratégique 2016/2023 de la LNR prévoit « l’intégration d’une équipe de rugby féminin dans chaque club de TOP14 et de PRO D2 ».
Cette évolution s’inscrit dans un processus impliquant la grande majorité des sports et touchant l’ensemble de la société, concrétisé par de multiples avancées de diverses natures. Elle demeure néanmoins en butte à des stéréotypes pouvant expliquer les importantes marges de progrès qui restent à conquérir. Ainsi, l’APARE se doit de s’interroger, de ce point de vue, sur l’organigramme on ne peut plus masculin qu’elle vient de publier au lendemain de son assemblée générale élective. Elle n’en est pas moins légitime à souligner plusieurs éléments sur lesquels ses clubs peuvent et doivent poursuivre, consolider et amplifier un mouvement heureusement irréversible (d’autant qu’il est conforté par les bons résultats de nos équipes de France à XV et à VII).
Pour la saison 2022/2023, 3 associations « APARE » ont une équipe parmi les 12 engagées en Elite 1 (Toulouse, Lyon, Montpellier) ; 3 autres associations sont associées, par voie de conventions, à 3 clubs pré existants qui disputent ce championnat « élite 1 » (ASM -Romagnat, Pau-Lons, FC Grenoble-Amazones) …5 associations figurent parmi les 11 engagées en Elite 2 : Dax, La Rochelle, Narbonne, Stade Français, USAP). 12 autres associations sont parties prenantes aux championnats de fédérale 1 (6) ou fédérale 2 (6), soit en nom propre soit en rassemblement.
La compétition U18 F à XV concerne 14 associations en élite 1 et 7 autres en élite 2 (en nom propre ou en rassemblement)
Les écoles de rugby s’ouvrent d’autant plus volontiers à la mixité que cette évolution est un des critères pris en compte par la FFR pour la labellisation. La DTN souligne par ailleurs la très rapide progression de la part des filles U15F dans les centres de suivi (30% en 2022) et en conséquence des académies fédérales et le projet de l’APARE formulé en 2019 et dont la concrétisation a été repoussée pour cause de pandémie (tournoi des « minimettes ») apparaît de plus en plus pertinent.
Le chemin de la féminisation reste long et exigeant. Il traverse des questions essentielles d’encadrement, d’infrastructures, de statuts des joueuses de haut niveau, de visibilité et de financement. L’APARE se doit d’approfondir son analyse de l’existant (évolutif) au sein de ses associations pour mieux porter leurs voix auprès des pouvoirs publics, de la fédération française de rugby, de la LNR et de toutes les instances nationales contribuant à la structuration de notre sport.